Gran Torino

Film : Gran Torino (2008)

Réalisateur : Clint Eastwood

Acteurs : Drame américain (2008) réalisé par Clint Eastwood (Walt Kowalski), Tao (Bee Vang), Sue (Ahney Her)...

Durée : 01:55:00




Si Eastwood réalisait presqu'un film par an, il n'était cependant pas apparu à l'écran
depuis
Million Dollar Baby en 2004. Le voici donc de nouveau dans son statut d’acteur mythique et derrière la caméra, deux événements qui suffisent amplement à attirer l'attention. Sa présence à l'écran est un plaisir malgré ses 78 ans qu'il assume totalement. Il rentre sans complexe dans son rôle d'homme vieillissant et seul, enfermé dans ses préjugés. "Gran Torino m'a offert un rôle de mon âge, qui semblait m'aller comme un gant, même s'il était en réalité très différent de moi". Mais c'est sans doute en tant que metteur en scène et directeur d'acteur que Clint est le plus surprenant. Rien n'est construit dans la complexité. Les rapports entre les personnages sont simples et
naturels, loin d'une psychologie alambiquée détachée de la réalité. Le scénario n'est pas non plus très perfectionné et repose principalement sur la force des acteurs et les sujets de société abordés : l'histoire, centrée sur la remise en question de Walt, suit une trame assez linéaire. La photographie, sobre mais soignée, permet de mettre en valeur le fond du récit comme c'est souvent le cas dans le films de moeurs.

La belle Ford Gran Torino, voiture produite dans les années 70s, est le véhicule symbolique de l'action déroulée par Eastwood tout au long du film. Source de convoitise par un gang, source de sanction pour le jeune Tao,
elle est aussi une manifestation d'amitié, de générosité ou de fierté. De nombreux thèmes viennent irriguer le métrage, le point central étant sans doute celui de la rencontre entre l’Amérique des pionniers et celle de l’utopique melting pot. Clint, au travers de son personnage caractériel mais intègre et attaché aux valeurs, incarne la vieille Amérique, celle de la guerre du Vietnam, de la guerre de Corée, ou encore celle de la ruée vers l'or. Il joue à la perfection son rôle peut-être plus près de lui-même que d'un personnage de fiction. Tao et Sue sont les produits de l'ouverture américaine, avec ce qu'elle comporte d'échanges culturels mais aussi de difficultés d'intégration. Si le film constate d'une certaine manière l'échec de la fusion des cultures, il reste assez politiquement correct puisque la rédemption de Walt se fera par son ouverture à l'autre, même chinois. Une figure de l'oeuvre, certes plus discrète mais également très importante, est celle du jeune prêtre, tout droit sorti du
séminaire mais qui prend son travail très au sérieux. La encore, le vieux Walt, hermétique à la religion, va finalement éprouver de la sympathie  pour cet homme de Dieu qu'il trouvait pourtant si ridicule au départ. Rares sont les images d'ouverture vers l'Église au cinéma, il n'est donc pas désagréable de voir que dans la chasse aux préjugés figure l'appréhension de la religion.

Jean LOSFELD