Aimer, boire et chanter

Film : Aimer, boire et chanter (2013)

Réalisateur : Alain Resnais

Acteurs : Sabine Azéma (Kathryn), Hippolyte Girardot (Colin), Caroline Silhol (Tamara), Michel Vuillermoz (Jack)

Durée : 01:48:00


Trois couples que je qualifierai de « la modernité d’hier », malformés-déformés-reformés, avec des changements de casting au programme, ont fini tout de même par se fixer. Chacun semble avoir trouvé celui qu’il leur fallait vraiment. Mais l’amour, au fil des ans et d’un début de vieillesse, finit par s’étioler, s’ennuyer … L’autre devient un acquis définitif qu’il n’est plus besoin d’aimer.

Le film, tiré d’une pièce, pointe donc du doigt les couples qui tombent dans les deux excès : le premier, l’inconstance, puisque presque chaque personnage a déjà échoué, et en porte le poids, et l’autre, la routine. Et c’est surtout ce point qui fait le nœud de l’histoire. Ces couples se mentent en s’imaginant que tout se passe très bien, alors que la situation crie le contraire.
Leur ami commun George, qui va bientôt mourir, a une idée assez spéciale pour réveiller ces amours empâtés et endormis …
Mais il devient difficile de savoir, au fond, quelle a été l’intention du bonhomme.
On nous donne en exemple un couple plus qu’étrange, la gamine de seize ans et le quinquagénaire. Il paraît que ça reste en tout bien tout honneur, mais les parents de la petite laissent faire, sous prétexte, qu’eux aussi, étant jeunes, ont été fous. On pourrait déjà gronder contre ce libéralisme plus que permissif, mais on peut même flairer la pédophilie … Difficile également de plaider cette accusation, ce serait faire un procès d’intention au film, et lui faire dire ce qu’il ne dit pas ; le sous-entend-il ? Venant d’Alain Resnais … Faites-vous une opinion. Une chose est sûre, c’est qu’entre Hiroshima mon amour et celui-là, on va du bruit au silence, un adieu d’Alain Resnais dans l’anonymat.

Alors que le film tourne au vaudeville banal, il s’illumine tout à coup quand on comprend où celui-ci veut nous embarquer, ne serait-ce que dans l’intérêt qu’il prend. Cela fonctionne d’ailleurs comme un bon coup de théâtre, qui ne fait pas de mal après une bonne heure à s’ennuyer.
Eh oui, c’est regrettable, mais pour Aimer, Boire et Chanter, il faut avant cela lutter contre le sommeil. Non pas que les acteurs soient médiocres, loin de là même, puisque chacun livre un personnage vrai, bien distinct des autres (simple regret encore, André Dussolier : celui qu’on voit le moins joue le mieux), mais la mise en scène est pataude, soporifique même.

Quand on va au théâtre, on voit tout d’un seul point. La plus ennuyeuse façon de regarder l’action sans doute. Mais le fait qu’ils soient en chair et en os compense largement cette lacune.
Le cinéma, mettant en scène, concrètement, une image, se doit de rattraper cette tare en variant ses points de vue, en étant un minimum dynamique ! Ici, le pauvre Alain Resnais, pour son dernier film, veut nous placer comme un spectateur de théâtre devant une image. Les deux handicaps accumulés.
Avec ça, pour augmenter l’effet, tout se déroule dans des décors de théâtre,  « en toc » pour faire court. Et pour augmenter l’effet, on peut dire que ça l’augmente, malheureusement, l’effet de l’ennui.

Un curieux mélange des genres, expérience originale, qu’il fallait oser peut-être, mais pourrait en dissuader pas mal de reprendre l’idée maintenant. Alain Resnais, décédé vingt-cinq jours avant la première, explique son intention : « abattre les cloisons entre le théâtre et le cinéma ». Après avoir vu comment ce mélange bridait le tout, on peut toujours essayer de mettre des cordes à la place des touches de piano, ça devrait revenir au même.
Bref, une histoire qui traîne en longueur, (Aimer, boire et dormir !) malgré les efforts du casting pour donner vie à une scène désertée, sans humour noir, par le metteur en scène …