12 hommes en colère

Film : 12 hommes en colère (1957)

Réalisateur : Sidney Lumet

Acteurs : Henry Fonda (Juré n°8 / Mr Davis), Martin Balsam (Juré n°1), John Fiedler (Juré n°2), Lee J. Cobb (Juré n°3)

Durée : 01:35:00


Mais que se passe-t-il donc dans cette petite pièce reculée où vont délibérer les jurés d'un procès ?

A l'origine prévu pour être diffusé sous forme d'un téléfilm, et par la suite adapté au théâtre, 12 hommes en colère nous introduit avec un brio inhabituel dans l'univers fermé d'une délibération de jury. Huis clos, comme il se doit, le film respecte (c'est honorable !) la fameuse règle des trois unités de lieu, de temps et d'action, sans ennuyer aucune seconde.

Drame psychologique, la pellicule met en scène un seul homme dubitatif contre onze convaincus. Quand on sait qu'il y a la chaise électrique au bout, il y a de quoi frémir. Ce qui paraît à première vue simple finit par révéler sa complexité, et l'affaire révèle progressivement les différentes personnalités des uns et des autres. Certains se remettent facilement en cause, d'autres préfèrent l'entêtement, certains sont des suiveurs et d'autres, des meneurs. Bref, toute la palette des caractères humains est impitoyablement étalée, ce qui ne peut manquer de nous renvoyer à nous-mêmes. Le « qu'aurions-nous fait ? » devient « qu'avons-nous fait ? » quand, placé en des conditions certainement moins graves mais tout autant humaines, nous avons refusé d'écouter les évidences ?

Dans sa réalisation, l'histoire méritait largement son Ours d'or et sa mention spéciale au Festival international du film de Locarno, tandis qu'Henri Fonda pouvait récolter non sans raison son British Academy Film Award. Reginald Rose, le scénariste, remporta même le prix Edgar Allan-Poe !

Les interprétations sont en effet, quoiqu'un tout petit peu vieillottes, remarquables ! On peut même dire qu'il s'agit, à côté de l'intrigue, de la deuxième condition indispensable à la réussite d'un huis clos : sans bons acteurs, c'eût été juste un film ennuyeux et sans intérêt.

Les idées défendues dans le film sont intéressantes à plusieurs titres.

Quand Henri Fonda rappelle le passé miséreux du jeune accusé, ce n'est pas comme on pourrait s'y attendre aujourd'hui pour expliquer (justifier) son acte, mais simplement pour inviter les jurés à ne pas étudier ce cas par dessus la jambe. Il a assez souffert, somme toute, pour mériter un procès équitable.

Ensuite le film montre, caméra subjective à l'appui, la pression qui pèse sur le courageux juré. Les regards caméra, tantôt hostiles, tantôt amicaux, ne manquent pas de placer le spectateur en fâcheuse posture.

Contre des films et des littératures tout à fait prestigieuses, comme les Sherlock Holmes de Conan Doyle ou encore Le nom de la Rose, le film inflige un sérieux camouflet au rasoir d'Ockham, habituellement si apprécié des enquêtes policières. Avec sa formule « c'est possible ! » c'est tout un système intellectuel que Reginald Rose remet en cause par l'intermédiaire de son personnage.

Il faut enfin remarquer que le comportement de ce juré dépasse de loin la salle où il est enfermé. Lui remettre les palmes de l'héroïsme, c'est aussi les remettre à tous ceux qui, de tous temps et en tous lieux, prennent de la distance et de la hauteur de vue au milieu des événements les plus enthousiasmants. C'est célébrer ceux qui ne reconnaissent pas les héros construits par les systèmes ou par les contre-systèmes (bien pires que les premiers parce qu'ils n'affichent pas leurs noms), ceux qui préfèrent la vérité au vraisemblable.

Finalement, ce procès n'est autre que celui de notre humanité...