Il est rare de trouver un excellent film, de même qu'il est rare de trouver un vrai navet avec ses caractéristiques classiques : des acteurs lamentables, une réalisation minimaliste, un scénario sans intérêt... Aujourd'hui le navet, c'est celui qui essaie de faire croire qu'il n'en est pas un ! Avec l'expérience centenaire du cinéma et surtout quelques millions de dollars, on arrive en général à avoir des acteurs relativement bons, un montage soigné et une belle photographie. C'est donc une sorte d'acquis qui tend à piéger le spectateur. Celui-ci voit quelque chose d'agréable à l'œil et se rassure de ne pas être devant un mauvais film. Sans le qualifier de navet, par décence, Mange, Prie, aime est un bon exemple d'illusion pour qui s'y laisse prendre.
>Il est vrai, et c'est sans doute ce qui aura attiré du monde en salles, que le casting est de qualité. Julia Roberts se faisait rare à l'écran et il n'est pas déplaisant de la retrouver dans un rôle principal, le seul qu'elle ait eu depuis Le sourire de Mona Lisa en 2004. Sans surprise, c'est toujours une bonne actrice. Elle ne sort certes pas de son style mais elle entre sans difficulté dans son rôle de femme américaine torturée, ce qui lui donne l'occasion de sourire, rire, pleurer (un peu trop) et lancer les regards dont elle a le secret. Apparaissent également à l'écran Javier Bardem, qui a reçu le prix d'interprétation masculine à Cannes en 2010 pour le film Biutiful, et Billy Crudup (Public Ennemies, Raison d'État), sympathique et drôle.
Ces acteurs se fondent dans un décor à la hauteur. Elizabeth est
amenée à voyager à Rome et en Inde. Les prises de vue de la Ville éternelle sont réussies et les paysages indiens magnifiques. La photographie aux contrastes chaleureux et aux couleurs saturées met en valeur les différents plans. L'aspect photo d'agence de voyage, peut-être un peu surfait, colle cependant bien à l'esprit du film. La lumière est également bien utilisée : les images en lueur diffuse accentuent le mysticisme hindou recherché par Elizabeth. Quant à la musique appropriée de Dario Marianelli, qui a déjà su accompagner des drames romantiques tels que Reviens-moi et Orgueil et préjugés, elle remplit bien sa fonction de soutien.
Ce bel enrobage, maintes fois rencontré au cinéma, n'est pas original mais a le mérite de l'efficacité. Du moins, on s'en serait volontiers contenté si le scénario et le fond du film avaient eu un
quelconque intérêt. D'emblée, si vous n'êtes pas une femme divorcée, l'identification ne sera pas aisée. Elizabeth s'est jetée dans le mariage avec la fougue et la déraison de la jeunesse. Quelques années plus tard elle réalise qu'elle n'est pas heureuse. C'est alors que pour la première fois de sa vie elle se prend à prier Dieu pour lui demander de l'aide. Comme il est bien connu que Dieu a une vision folklorique du mariage, elle quitte donc son mari (Billy Crudup), personnage attachant et gentil mais qui a du mal à se fixer sur un projet d'avenir construit, et demande le divorce. Commence alors une quête à la fois immature et inutile. Grâce à un jeune illuminé rencontré dans la plus grande niaiserie, elle découvre les joies de l'hindouisme qui vient subitement et par défaut remplir son immense vide spirituel. Puis, de nouveau malheureuse, Elizabeth décide d'effectuer un voyage initiatique où elle découvrira le plaisir de vivre et le dolce farniente en Italie, puis les joies de la
méditation en Inde. Sa retraite spirituelle doit l'amener à « se pardonner à elle-même ».
S'agit-il de se pardonner de s'être mariée ou d'avoir divorcé ? On comprend en fait que le but est non seulement de tourner la page mais surtout de le faire en se donnant bonne conscience. Pour cela, elle a besoin d'aide. La méditation bien sûr lui sera d'un grand secours mais elle va également rencontrer des gens qui vont la rassurer : des amis à Rome, qui ne servent concrètement pas à grand chose si ce n'est à justifier quelques scènes dégoulinantes de bons sentiments, une médecin, divorcée parce qu'elle se faisait battre, un adepte de l'hindouisme, ancien alcoolique divorcé qui a failli tuer son fils, le vieux sage Ketut qui lui explique que « parfois le déséquilibre fait partie de la vie équilibrée » (merci l'ami !)... et enfin, un
nouveau divorcé qui a mis dix ans à s'en remettre et qui deviendra son nouvel amant en quinze jours.
Ce film n'apporte aucun message pertinent (si ce n'est que la gastronomie italienne mérite d'être connue). Au contraire, les cinéastes nous livrent un œuvre bourrée de clichés sans aucune profondeur. Malgré les velléités de peindre les dangers et la beauté de l'amour par le thème de la renaissance, tout n'est qu'égoïsme, recherche de soi pour soi. Une pellicule de 2h20 (beaucoup trop longue pour un tel scénario) pour en arriver à une happy end déprimante qui, si l'on devait prolonger l'histoire, se solderait certainement par un nouveau divorce tant les bases de leur amour sont inexistantes. La formule « rien ne dure » qui sort de la bouche d'un des protagonistes en est un funeste présage. Ce principe que rien ne demeure,
relève d'une réflexion poussée en hindouisme (quoique contestée par d'autres systèmes philosophiques) mais il sonne, en tout cas dans le film, davantage comme un vieux poncif vidé de toute substance que comme une véritable philosophie.
Bref, ce superbe voyage est platement celui d'une femme qui casse son mariage, se trouve une raison, et recommence avec un autre homme, tout cela en instrumentalisant l'hindouisme avec snobisme pour donner une impression de spiritualité.
Plus indirectement, on peut y voir les relents d'une mode occidentale pour la spiritualité orientale. Les stars, bien souvent les modèles d'une vie creuse, en sont particulièrement friandes : bouddhisme, hindouisme
(Julia Roberts s'y serait convertie après le film), ou encore chamanisme et autres religions exotiques, ou pourquoi pas un peu de chaque pour se construire une vie intérieure finalement bien artificielle.
Il est rare de trouver un excellent film, de même qu'il est rare de trouver un vrai navet avec ses caractéristiques classiques : des acteurs lamentables, une réalisation minimaliste, un scénario sans intérêt... Aujourd'hui le navet, c'est celui qui essaie de faire croire qu'il n'en est pas un ! Avec l'expérience centenaire du cinéma et surtout quelques millions de dollars, on arrive en général à avoir des acteurs relativement bons, un montage soigné et une belle photographie. C'est donc une sorte d'acquis qui tend à piéger le spectateur. Celui-ci voit quelque chose d'agréable à l'œil et se rassure de ne pas être devant un mauvais film. Sans le qualifier de navet, par décence, Mange, Prie, aime est un bon exemple d'illusion pour qui s'y laisse prendre.
>Il est vrai, et c'est sans doute ce qui aura attiré du monde en salles, que le casting est de qualité. Julia Roberts se faisait rare à l'écran et il n'est pas déplaisant de la retrouver dans un rôle principal, le seul qu'elle ait eu depuis Le sourire de Mona Lisa en 2004. Sans surprise, c'est toujours une bonne actrice. Elle ne sort certes pas de son style mais elle entre sans difficulté dans son rôle de femme américaine torturée, ce qui lui donne l'occasion de sourire, rire, pleurer (un peu trop) et lancer les regards dont elle a le secret. Apparaissent également à l'écran Javier Bardem, qui a reçu le prix d'interprétation masculine à Cannes en 2010 pour le film Biutiful, et Billy Crudup (Public Ennemies, Raison d'État), sympathique et drôle.
Ces acteurs se fondent dans un décor à la hauteur. Elizabeth est
amenée à voyager à Rome et en Inde. Les prises de vue de la Ville éternelle sont réussies et les paysages indiens magnifiques. La photographie aux contrastes chaleureux et aux couleurs saturées met en valeur les différents plans. L'aspect photo d'agence de voyage, peut-être un peu surfait, colle cependant bien à l'esprit du film. La lumière est également bien utilisée : les images en lueur diffuse accentuent le mysticisme hindou recherché par Elizabeth. Quant à la musique appropriée de Dario Marianelli, qui a déjà su accompagner des drames romantiques tels que Reviens-moi et Orgueil et préjugés, elle remplit bien sa fonction de soutien.
Ce bel enrobage, maintes fois rencontré au cinéma, n'est pas original mais a le mérite de l'efficacité. Du moins, on s'en serait volontiers contenté si le scénario et le fond du film avaient eu un
quelconque intérêt. D'emblée, si vous n'êtes pas une femme divorcée, l'identification ne sera pas aisée. Elizabeth s'est jetée dans le mariage avec la fougue et la déraison de la jeunesse. Quelques années plus tard elle réalise qu'elle n'est pas heureuse. C'est alors que pour la première fois de sa vie elle se prend à prier Dieu pour lui demander de l'aide. Comme il est bien connu que Dieu a une vision folklorique du mariage, elle quitte donc son mari (Billy Crudup), personnage attachant et gentil mais qui a du mal à se fixer sur un projet d'avenir construit, et demande le divorce. Commence alors une quête à la fois immature et inutile. Grâce à un jeune illuminé rencontré dans la plus grande niaiserie, elle découvre les joies de l'hindouisme qui vient subitement et par défaut remplir son immense vide spirituel. Puis, de nouveau malheureuse, Elizabeth décide d'effectuer un voyage initiatique où elle découvrira le plaisir de vivre et le dolce farniente en Italie, puis les joies de la
méditation en Inde. Sa retraite spirituelle doit l'amener à « se pardonner à elle-même ».
S'agit-il de se pardonner de s'être mariée ou d'avoir divorcé ? On comprend en fait que le but est non seulement de tourner la page mais surtout de le faire en se donnant bonne conscience. Pour cela, elle a besoin d'aide. La méditation bien sûr lui sera d'un grand secours mais elle va également rencontrer des gens qui vont la rassurer : des amis à Rome, qui ne servent concrètement pas à grand chose si ce n'est à justifier quelques scènes dégoulinantes de bons sentiments, une médecin, divorcée parce qu'elle se faisait battre, un adepte de l'hindouisme, ancien alcoolique divorcé qui a failli tuer son fils, le vieux sage Ketut qui lui explique que « parfois le déséquilibre fait partie de la vie équilibrée » (merci l'ami !)... et enfin, un
nouveau divorcé qui a mis dix ans à s'en remettre et qui deviendra son nouvel amant en quinze jours.
Ce film n'apporte aucun message pertinent (si ce n'est que la gastronomie italienne mérite d'être connue). Au contraire, les cinéastes nous livrent un œuvre bourrée de clichés sans aucune profondeur. Malgré les velléités de peindre les dangers et la beauté de l'amour par le thème de la renaissance, tout n'est qu'égoïsme, recherche de soi pour soi. Une pellicule de 2h20 (beaucoup trop longue pour un tel scénario) pour en arriver à une happy end déprimante qui, si l'on devait prolonger l'histoire, se solderait certainement par un nouveau divorce tant les bases de leur amour sont inexistantes. La formule « rien ne dure » qui sort de la bouche d'un des protagonistes en est un funeste présage. Ce principe que rien ne demeure,
relève d'une réflexion poussée en hindouisme (quoique contestée par d'autres systèmes philosophiques) mais il sonne, en tout cas dans le film, davantage comme un vieux poncif vidé de toute substance que comme une véritable philosophie.
Bref, ce superbe voyage est platement celui d'une femme qui casse son mariage, se trouve une raison, et recommence avec un autre homme, tout cela en instrumentalisant l'hindouisme avec snobisme pour donner une impression de spiritualité.
Plus indirectement, on peut y voir les relents d'une mode occidentale pour la spiritualité orientale. Les stars, bien souvent les modèles d'une vie creuse, en sont particulièrement friandes : bouddhisme, hindouisme
(Julia Roberts s'y serait convertie après le film), ou encore chamanisme et autres religions exotiques, ou pourquoi pas un peu de chaque pour se construire une vie intérieure finalement bien artificielle.