AO, le dernier Néandertal

Film : AO, le dernier Néandertal (2010)

Réalisateur : Jacques Malaterre

Acteurs : Simon Paul Sutton (AO) et Aruna Shields (Aki)

Durée : 01:24:00


un point de vue intéressant mais parfois approximatif sur la période néandertalienne, filmée de façon crue et parsemée de messages conventionnels.

Après ses réalisations télévisuelles L'odyssée de l'espèce et Néanderthal et Homo Sapiens en 2002 et Le Sacre de l'Homme en 2007, Jacques Malaterre adapte le roman de Marc Klapczynski au cinéma.

Le film s'aventure dans les
oxymores. Brutalement réaliste quand il montre Aki en train d'uriner ou d'accoucher, la pudeur dissimule les seins sous les peaux de bête. Complètement fictionnel quand il imagine Ao affronter un ours blanc (historiquement la chose est impossible), il devient documentaire quand il laisse habilement la place aux diverses théories scientifiques pour ne pas prendre trop de risques.

La voix off, qui est sensée dire en langage évolué ce qu'Ao pense ou ressent jure complètement, par la poésie qu'elle recherche, avec l'élocution primitive du personnage.

Concernant les croyances, le parti est pris d'un néandertalien animiste, qui pense prendre en lui la vie de l'ours qu'il tue, et croit que sa fille disparue fait à présent partie de son être. En réalité on suppose (mais c'est controversé) que l'
homme de Néandertal avait un certain culte pour l'ours.

Les messages véhiculés par le film sont assez conventionnels, et manquent de finesse dans leur énoncé.

Il faut d'abord accepter la différence. Ao est Néandertal, Aki est une homo sapiens. Tout au long du film les voix off racontent l'apprivoisement réciproque de ces deux êtres qui peinent à se comprendre. Au contact d'une tribu homo sapiens, Ao se demande : « Pourquoi me rejettent-ils ? Je suis seulement différent d'eux. » Les homo sapiens, sensés être nos ancêtres (cette théorie est nettement controversée aujourd'hui), sont montrés comme des brutes sanguinaires, énième représentation de l'homme par l'homme qui ne s'aime pas.

C'est le deuxième message du film. L'homme de Néandertal, au contact de ces méchants homo sapiens, incarne un bon sauvage dans la droite ligne de Jean-Jacques Rousseau. « Qui es-tu, face peinte, pour prendre la vie ? » interroge en son nom la voix off. C'est beau mais plutôt inapproprié. Alors qu'Ao est montré comme un être innocent qui aime la nature, la science raconte qu'il est très probable que les hommes de Néanderthal aient été des habitués du sacrifice humain.

Il y a également, dans l'approche qui est faite de l'humanité néandertalienne, des préjugés bizarres.

D'abord il semblerait qu'il y ait une absence totale de concupiscence, ce qui paraît absurde. Les gens vivent nus les uns avec les autres, et semblent ne s'accoupler que pour se reproduire (Aki parle de mélanger son corps au
sien). Le plaisir n'étant pas une idée nouvelle (en tout cas on espère pour eux !), on doit s'interroger sur cette apathie sexuelle. En revanche il faut reconnaître qu'un tel point de vue change des caricatures habituelles au cinéma, où les gens, de la Préhistoire à aujourd'hui, sont généralement montrés pour la plupart comme des obsédés sexuels.

Ensuite la conception de la famille est assez obscure. Ao se situe clairement dans une conception moderne de la famille, où les liens du sang se doublent d'une affection sans borne, alors que sa tribu échange ses enfants contre des vivres et des armes, ce qui paraît plus cohérent au regard de l'Histoire.

Il ressort donc du film qu'Ao fait figure de champion de la modernité au coeur d'une Préhistoire bien moins civilisée.