Les trois prochains jours

Film : Les trois prochains jours (2010)

Réalisateur : Paul Haggis

Acteurs : Russel Crowe (John Brennan), Elisabeth Banks (Lara Brennan), Liam Neeson (Damon), Olivia Wilde (Nicole), .

Durée : 02:13:00


Cette reprise américaine de Pour Elle est un thriller rythmé et émouvant qui met en scène le très talentueux Russel Crowe incarnant un père de famille en proie à une insatiable soif de justice mais qui poussera son amour au-delà de la raison et de la prudence, n'en déplaise aux cinéastes qui peinent à fixer les frontières de la morale.

Le cinéma américain n’en est pas à son premier remake de film français. Ici, il s’agit de la reprise de Pour Elle qui fut en 2008 le premier long métrage réalisé par Fred Cavayé (qui occupe les salles actuellement avec À bout portant). Un remake est toujours un défi mais on se rassure vite lorsqu’on apprend que le film est entre les mains de Paul Haggis, réalisateur oscarisé de Collision, et scénariste de grands films tels que Million Dollar Baby. On peut cependant s’interroger sur la nécessité de l’importer dans les salles françaises d’autant que le modèle était déjà bien réussi. Hollywood n’avait peut-être rien de mieux à
livrer?

Quoiqu’il en soit, que ceux qui ont déjà vu le film de Cavayé ne fassent pas trop vite une croix sur cette seconde version. En effet, le talentueux Paul Haggis se l’approprie aisément pour en faire une œuvre qui a son propre cachet. Le scénario n’est pas tellement revisité et les quelques ajouts ne sont pas déterminants. La présence par exemple de Nicole, mère divorcée qui souhaite se rapprocher de John, permet au cinéaste d’accentuer aux yeux du spectateur la détermination de John qui n’a manifestement aucune envie de refaire sa vie même après deux ans d’incarcération de sa femme (ce qui est tout à son honneur).

C’est donc formellement que le film affirme sa personnalité. Entre le drame et le film d’action, ce thriller bénéficie d’un montage précis qui permet de maintenir les 2h13 de film dans une
tension quasi continue. Les scènes d’action et de poursuites sont spectaculaires sans doute en partie dues aux près de 30 millions de budget de différence avec la production française.

Haggis reconnaît les qualités hitchcockiennes du scénario : un homme, que la fatalité place dans une impasse, décide de se battre contre son destin. Il s’agit donc, comme tout bon thriller, d’une aventure morale qui questionne directement le spectateur : comment réagir à une telle épreuve ? Ici, une famille est brisée par une injustice. Faut-il pour autant se battre à tout prix contre cette iniquité ? John épuise toutes les voix de droit possibles, mais les preuves sont indubitablement contre sa femme. Il porte donc la lourde de charge d’être le seul à croire en son innocence. Plusieurs réactions s’offrent à lui qui vont de la résignation à l’opiniâtreté. Il choisit de faire évader Lara ce qui peut sembler être de
prime abord un acte d’héroïsme et d’amour. Vouloir libérer un innocent n’est pas mal en soi mais les circonstances peuvent entraîner le héros à mépriser la prudence. Or, en l’occurrence, comme lui rappelle Damon (Liam Neeson) qui s’est échappé plusieurs fois de prison, il faut être prêt à tout pour réussir une entreprise aussi risquée, même à tuer. Et tuer, John le fera, certes pour se défendre d’un trafiquant de drogue, mais c’est à cause d’une situation qu’il aura lui-même provoqué (braquer un dealer pour lui voler son argent). Il n’hésitera pas non plus à frapper  et menacer un policier en service. Par ailleurs, il est obligé d’abandonner ses parents qu’il ne reverra probablement plus jamais et il doit acheter de faux papiers. En définitive, il prend le risque de laisser son fils orphelin ou aux services sociaux. Au mieux, s’il réussit, ils devront vivre en cavale toute leur vie.

À cause de la douleur,
John perd le sens des priorités et place le désir de retrouver sa femme au-dessus de sa propre sécurité et de celle de son fils. La fin juste n’autorise pas les moyens injustes et il eut été préférable que Haggis, comme Cavayé, mettent davantage en lumière l’irrationalité et finalement l’immoralité des actes de leur héros. Au lieu de ça, il incite le spectateur à admettre ses exactions lorsqu’on voit la petite famille à nouveau réunie et souriante, loin de tout danger. La séquence qui révèle l’innocence de Lara (un peu superflue parce qu’on le comprend par d’ailleurs) a pour objectif de rassurer le spectateur tenté de penser que finalement tout se finit bien, plus de peur que de mal... Cependant, le problème n’est pas de savoir si elle est coupable ou non mais plutôt de savoir si John peut légitimement tenter de la faire évader. Certes l’observation de la prudence par le héros n’aurait pas permis ce thriller mais rien n’empêche les cinéastes de montrer en quoi le comportement de John est folie.