Priest

Film : Priest (2011)

Réalisateur : Scott Charles Stewart

Acteurs : Paul Bettany (Prêtre), Maggie Q (Prêtresse), Karl Urban (Chapeau Noir), Cam Gigandet (Hicks)... .

Durée : 01:27:00


Une film fantastique classique et simpliste dans son récit, iconoclaste à l'égard de l’Église catholique, mais visuellement abouti et qui met en scène un héros torturé mais sincère.

Priest est très librement inspiré d'une bande-dessinée coréenne créée par Min-Woo Hyung. Si ce dernier fut convié à donner son avis sur les storyboards, le film n'a plus grand chose à voir avec la BD tant d'un point de vue stylistique que d'un point de vue scénaristique. La BD se situe dans le passé
tandis que le film se déroule das le futur. Les cinéastes s'expliquent en disant qu'il pourrait s'agir d'une suite de l'histoire originale. Le seul véritable point commun est qu'il existe un prêtre qui s'est rebellé contre l’Église, et encore le contexte est très différent. Les vampires sont par exemple une pure invention du film qui permet de classer celui-ci dans le fameux genre des films de vampires (cf. fiche thématique).

Il serait donc dangereux de vouloir analyser le film sous l'angle de l’œuvre originale coréenne tant les différences sont nombreuses.


Le
réalisateur Scott Charles Stewart a fait ses armes dans les effets spéciaux puisqu'il est cofondateur du studio The Orphanage qui a fait les effets visuels de nombreux films (Die Hard 4, Iron Man, Pirate des Caraïbes...). Il n'est le réalisateur que de deux long métrages, dont Légion, l'armée des Anges qui mettait déjà en scène Paul Bettany. La beauté plastique des images de Priest témoignent de cette expérience numérique. L'univers sombre, désaturé, post-apocalyptique donne la gravité du ton. Le directeur de la photographie Don Burgess n'en est d'ailleurs pas à son premier essai. Il a éclairé de nombreuses œuvres comme Source Code, Le livre d'Eli, Spider Man... L'un des maîtres mots pour la création des décors est l'hyper-industrialisation inspirée des grandes villes soviétiques ainsi que la désolation en dehors de la cité marquée par un immense désert aride. Une autre influence majeure, reprise de la BD, est le western. Cet esthétique
se retrouve essentiellement chez les personnages (Chapeau Noir, Le Shériff...) et dans la conception des villes du désert. Ce mélange de genre a donné naissance à un monde assez cohérent que les cinéastes voulaient « à la fois familier et étrange, ancien et nouveau, et très impressionnant » (Scott Charles Stewart, in dossier de presse).


Le scénario est, contrairement au roman graphique, d'une grande simplicité. Tout est basique. Les rapports entre les personnages sont minimalistes, et d'une consternante évidence. L'histoire très linéaire se déroule sans rebondissement majeur donnant ainsi la priorité à l'action. Selon le réalisateur « Priest est une plongée dans un monde qui combine des
éléments familiers d’une manière étrange et inhabituelle. C’est un film d’action sensationnel qui possède une forte résonance émotionnelle et impliquera le public dans une aventure rare ». On lui accordera volontiers le « film d'action sensationnel » mais pour la « forte résonance émotionnelle » on repassera. Rien ne peut réellement faire naître une réelle émotion : le rapport entre le prêtre et la prêtresse est plat et convenu mais le pire est le pseudo romantisme du shérif qui veut délivrer sa belle des griffes de la bête. Le jeune shérif Hicks est d'ailleurs un personnage particulièrement inutile tant ses actions sont dérisoires. Il sert essentiellement à montrer que le vrai héros est un personnage exceptionnel. Pour faire passer quelques sentiments, il faut au moins travailler un minimum l'écriture des personnages. Certes dans un film d'action d'à peine 1h30 c'est plus difficile... Au niveau du jeu d'acteur, Paul Bettany se démarque largement de ses collègues et
incarne un personnage mystérieux et charismatique.

Le point fort, avec les effets visuels, est donc les scènes de pure action. Les combats sont joliment orchestrés même si l'on ne peut s'empêcher de penser à Matrix dans l'utilisation de certains ralentis et effets aériens. La séquence finale de combat sur le toit du train rappelle celui de Morpheus contre un Agent sur le toit d'un camion dans Matrix Reloaded... Cet affrontement est d'ailleurs le plus spectaculaire et celui qui a demandé le plus de préparation et de réalisation : « Cette séquence de combat a été storyboardée dans les moindres détails. Nous avons utilisé une prévisualisation en 3D pour planifier les mouvements de caméra les plus complexes et comprendre comment aborder les choses techniquement. Ensuite, nous avons tourné pendant des jours et des jours » (Stewart). Les prêtres
possèdent d'ailleurs une faculté surnaturelle qui leur permet de ralentir le temps et qui serait selon Michael de Luca, producteur, un hommage à Matrix et Star Wars.


S'il faut reconnaître une belle performance visuelle (malgré une 3D en postproduction qui n'améliore que très relativement l'immersion), le fond de l’œuvre rebute. Ceux qui auront lu la bande-dessiné auront compris la noirceur de cet univers, la violence crue et les références religieuses malsaines. Certes édulcoré, le film Priest a néanmoins conservé une partie de l'esprit. Les histoires de vampires (cf. fiche thématique) sont traditionnellement accompagnées de références religieuses car le vampire est
traditionnellement une créature satanique que des objets sacrés peuvent combattre, comme l'eau bénite, la croix ou des objets profanes comme des armes en argent. Ici, non seulement on retrouve cet univers récurent au genre mais on y ajoute une dimension particulière proche de l’œuvre coréenne. Pour faire court et pour donner l'explication de l'esprit de Priest, la BD met en scène un prêtre qui aimait une femme qui se fait tuer sous ses yeux. Il renonce alors à sa foi, et vend la moitié de son âme à un démon. Ce pacte le rend esclave mais lui permet d'échapper à la mort et de se venger. Dans le film, cette histoire dantesque n'existe pas mais l'idée de révolte contre l’Église et contre Dieu demeure. Le réalisateur se défend pourtant d'avoir fait un film à proprement parler sur la foi : « Priest est vraiment un film de science-fiction et un western. [...] Sur le plan thématique, nous nous posions de véritables questions théologiques dans Légion, mais je ne vois pas
Priest de cette manière. Je ne l'assimile pas à l’Église de notre monde. C'est véritablement un état orwellien, et ça traite davantage d'une guerre de pouvoir et du fascisme, d'un ennemi qu'on ne comprend pas mais que nous continuons de combattre, et d'être soldat » (Traduction libre de l'entretien avec Scott Stewart sur collider.com). Il est probable que les catholiques d'aujourd'hui le voient d'un autre œil tant les énormes clins d’œil abondent : la cathédrale au centre de la cité, la notion de confession avec l'absolution qui remet les péchés, tous les signes religieux (crucifix, chapelet, crucifixions...), le système hiérarchique, le problème du célibat des prêtres... Il y a donc une volonté manifeste d'assimiler par analogie l’Église au « fascisme », la « guerre de pouvoir » et à l'univers oppressant de Georges Orwell, pour reprendre le vocabulaire du réalisateur. Il s'agit donc d'un film partisan anticlérical davantage basé sur une ambiance
iconoclaste que sur la réflexion. Une phrase clé du héros est assez significative de l'intention de mise en cause de la religion : « Qu'est-ce que la foi si ce n'est qu'un mensonge ? ». L'attitude du prêtre en proie aux doutes particulièrement ambiguë démontre le désordre intellectuel de l’œuvre. Une scène symbolique montre le prêtre brisant son chapelet en disant que si s'opposer à l’Église c'est s'opposer à Dieu, alors il s'oppose à Dieu. Puis, quelques scènes plus tard, on le voit prier avec ferveur. En réalité, contrairement à ce qui est communément expliqué dans les notes de production, le prêtre ne perd pas la foi mais considère, à l'instar de la prêtresse, que « le pouvoir ne vient plus de l’Église mais de Dieu lui-même ». Plus qu'on ne croit, c'est bien un film sur la religion.



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Pour les plus curieux, le statut du prêtre dans l’Église actuelle n'a rien à voir avec ce qui est montré dans le film. S'il a existé pendant un temps des moines guerriers, les prêtres ont la formelle interdiction de faire couler le sang, donc d'endosser un rôle de guerrier. Par ailleurs, il n'existe pas de femme prêtre dans l’Église notamment parce que le prêtre est considéré comme un autre Christ au moment du sacrifice de la messe.

Ceci pourrait aller dans le sens des cinéastes qui prétendent ne pas assimiler l’Église du film à la véritable Église, mais il s'agit plus d'amalgames que de différenciations.

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« Légion – L'armée des Anges était un film sur le pardon. Priest parle de vengeance et de colère » (Paul Bettany, in dossier de presse). En fait, la vengeance est davantage le thème de la BD que du film. Le film traite essentiellement de la désobéissance et du combat contre le mal. Le prêtre guerrier après avoir tenté de convaincre ses supérieurs incrédules se voit contraint de désobéir pour sauver la cité d'une attaque des vampires. Cette désobéissance lui vaut l'excommunication immédiate et ses paires sont chargés de l'arrêter. Rappelons, pour ceux qui souhaiteraient démêler de ce film les différentes notions utilisées à tord et à travers, que l'excommunication est la plus haute sanction en droit canonique qui vise, entre autres actions d'une particulière gravité, l'apostat, l'hérétique et le
schismatique. Le droit canonique (le vrai) prévoit en outre qu'une personne ne peut être sanctionnée si elle a agi « forcée par une crainte grave, même si elle ne l'était que relativement, ou bien poussée par la nécessité, ou pour éviter un grave inconvénient, à moins cependant que l'acte ne soit intrinsèquement mauvais ou qu'il ne porte préjudice aux âmes » (Canon 1323 al. 4 du Code canonique de 1983). On peut donc risquer une comparaison avec notre héros qui désobéit parce qu'il craint un grave danger. A la frontière entre la désobéissance militaire et religieuse, le film montre à juste titre que le prêtre agit malgré tout en âme et conscience et qu'il est dans son droit. Les actions des personnages rejoignent donc les thèmes classiques du héros qui s'oppose à une institution, quelle qu'elle soit, pour accomplir ce qui lui semble être son devoir. Contrairement à des scenarii du genre, le héros ne cherche pas ici à détruire l'institution et se contente de rapporter la preuve de sa
crainte pour que celle-ci se prépare à la guerre.


Habituellement, les films qui construisent une univers « orwellien » comme V pour Vendetta, Equilibrium, Aeon Flux, Farenheit 451, The Island, Minority Report... font généralement implicitement référence au nazisme ou au communisme. Le parallèle avec l’Église est plus douteux...


Jean LOSFELD