Les Trois Mousquetaires

Film : Les Trois Mousquetaires (2011)

Réalisateur : Paul W.S. Anderson

Acteurs : Logan Lerman (D’Artagnan), Milla Jovovich (Milady de Winter), Matthew MacFadyen (Athos), Ray Stevenson (Porthos)

Durée : 01:50:00


Une adaptation modernisée et américanisée du classique littéraire d’Alexandre Dumas, hilarant comme divertissement, mais catastrophique comme film sérieux.

Les studios hollywoodiens semblent éprouver une prédilection à massacrer les grands classiques de la litté
rature française. Et parmi ces derniers, l’œuvre d’Alexandre Dumas tient une place prépondérante dans la martyrologie des œuvres littéraires. Les Américains nous avaient déjà offert
Les trois mousquetaires de Stephen Herek (1993), avec un D’Artagnan interprété par un Chris O’Donnel insipide et qui se faisait battre à plate couture par chacun de ses adversaires, ainsi qu’une version de L’homme au masque de fer de Randal Wallace (1998) où DiCaprio nous livrait le même type de prestation propre à accabler tout spectateur un tant soi peu féru de littérature et admirateur de l’œuvre de Dumas. Sans oublier la récente version
de Peter Hyams, que l’on connut plus inspiré,
D’Artagnan (2001) qui n’hésita pas à y intégrer des scènes de combats du XXIe siècle ! Autant dire que la pierre posée par le réalisateur Paul W. S. Anderson n’était pas d’une nécessité absolue. Il faut savoir que ce cinéaste s’est spécialisé dans des blockbusters de SF/action décomplexés et plutôt bourrins, lorgnant ostensiblement vers la série B. S’il su parfois faire preuve de talent, comme avec Event Horizon (1997), il se montra le plus souvent moyen (Resident evil, 2002 ; Alien vs Predator, 2004), voire mauvais (Mortal Kombat, 1995). Autant dire que ce n’était pas précisément le type d’homme que l’on attendait en premier lieu pour illustrer les péripéties de notre trio de mousquetaires et du jeune gascon D’Artagnan ! Et quant à savoir s’il allait imprégner cet
univers de sa touche personnelle (en clair, privilégier la pyrotechnie, les effets spéciaux et les scènes de combat moderne), inutile de faire durer le suspens, c’est oui. L’équipe du film est d ‘ailleurs sans complexe à ce sujet, à commencer par le réalisateur en personne : « Je ne voulais pas qu’on soit dans un réalisme absolu, je préférais un style moderne. ». Voilà qui a au moins le mérite de la franchise. Le chef décorateur Paul D. Austerberry renchérit :
« Il s’agit de la version moderne d’un film d’époque. Bien entendu, l’action est censée se dérouler au XVIIe siècle, mais nous y avons intégré plusieurs éléments modernes » (in dossier de presse). Tout est dit. De fait, si les grandes lignes de l’histoire respectent l’histoire du roman original (la rencontre de D’Artagnan avec les mousquetaires, les affrontements avec les gardes du cardinal, la quête pour récupérer les bijoux de la reine et sauver son honneur ainsi que la France), les péripéties sont truffées d’éléments absents du livre et anachroniques. Nous avons ainsi droit à des pièges et gadgets dignes d’un James Bond avant l’heure, des costumes qui auraient pu être inspirés par Jean-Paul Gaultier, des techniques de combats du XXIe siècle (encore !), un langage avec des expressions de la même époque et, cerise sur le gâteau, l’arme fatale du film, une espèce de bateau-dirigeable de combat que l’on croirait sorti d’un roman de Jules Verne (c’est d’ailleurs très probablement le cas !). À cet égard, le film frôle l’uchronie pure et simple, ce qui semble être une constante en ce qui concerne les films historiques de ces dernières années.

Ceci étant dit, il serait naïf de chercher dans ce film une adaptation rigoureuse et historiquement fidèle de l’œuvre de Dumas, et non un simple prétexte scénaristique à un divertissement d’aventure
et d’action
made in Hollywood. Force est de reconnaître que le réalisateur assure assez bien de ce côté : la mise en scène est efficace, le rythme soutenu, les effets pyrotechniques nombreux et éblouissants, les combats bien chorégraphiés. De fait, non seulement on ne s’ennuie pas, mais on rigole bien. Il est en effet strictement impossible de prendre le film au sérieux une seule minute. Du reste, cela semble bien être l’optique des responsables du film, lequel regorge d’humour et d’autodérision. En le regardant avec un esprit dépouillé et au troisième degré, il est donc possible d’apprécier. Pour les spectateurs plus exigeants et les puristes de l’œuvre de Dumas, il faudra se résoudre à revoir les adaptations de André
Hunebelle (1953) et Bernard Borderie (1961).

En ce qui concerne le casting, ce dernier est au diapason du reste du film. En effet, il est impossible de voir dans ces aventures autre chose que des baroudeurs américains déguisés en mousquetaires français du XVIIe siècle. Disons le tout de suite, le jeune premier Logan Lerman (déjà héros de Percy Jackson : le voleur de foudre de Chris Colombus, 2010) est insipide au possible et nous rejoue le personnage du jeune minet arrogant et charmeur mille fois vu au cinéma. Ses comparses Matthew Mac Fayden (Athos), Ray Stevenson (Porthos) et
Luke Evans (Aramis) assurent le strict minimum, se montrant ni mauvais ni médiocres (signalons par ailleurs que tous ont chacun joué dans des films à costumes, ceci expliquant probablement les choix du casting). Milla Jovovitch (déjà dirigée par Paul Anderson dans deux des
Resident evil) dans le rôle de Milady de Winter nous refait son numéro habituel de séductrice manipulatrice et bagarreuse, totalement anachronique dans le contexte de l’époque mais parfaitement adapté au film. La grosse déception vient de Christoph Waltz, habituellement très bon dans des rôles de méchant (Inglorious bastards, 2010, style="font-family: Arial,sans-serif;">de Quentin Tarantino ; Green hornet, 2010, de Michel Gondry) et qui s’avère ici, dans le rôle du cardinal de Richelieu, très falot. Curieusement, le seul à tirer son épingle du jeu est Orlando Bloom, surtout connu pour son rôle de William Turner dans la trilogie Pirate des Caraïbes de Gore Verbinsky, et d’habitude parfaitement insipide. Lui aussi dans le rôle d’un méchant, le duc de Buckingham, il apparaît cette fois assez convaincant. Malheureusement son personnage est totalement sous-exploité et doit apparaître une demi-heure maximum &
agrave; l’écran. Pour le reste, les relations entre les personnages reflètent à chaque instant le parti pris de la modernisation de l’histoire. À cet égard, celle qui unit le couple du jeune Louis XIII et d’Anne d’Autriche évoque d’avantage des amourettes d’étudiants américains que la relation d’un couple royal à la tête d’une des grandes puissances européennes du
XVIIe siècle.

En ce qui concerne les thématiques et valeurs véhiculées dans le film, celles-ci restent assez conformes au roman : fidélité au roi et au royaume de France (même si dans le film, celle-ci est nuanc&
eacute; par un certain désabusement et un esprit frondeur des mousquetaires), lutte contre le pouvoir du cardinal ambitieux et fourbe (signalons toutefois que le film a le bon goût de nous épargner un discours anti-clérical ce qui est toujours ça de pris), amour déçu d’Athos pour Milady et naissant de D’Artagnan pour Constance et, bien sûr, la solidarité et l’amitié intrinsèque entre nos valeureux mousquetaires avec le fameux « Un pour tous et tous pour un ». Moralement, le film reste donc défendable. Les scènes d’action ont beau s’enchaîner à vitesse grand V et être parfois spectaculaires, elles sont cependant bien peu sanglantes, ce qui confirme la volonté des concepteurs d’un film tout public.

À voir donc, éventuellement, au
dernier degré et avec une âme d’enfant, pour rire un bon coup !