"Je crois toujours, qu'il existe une vérité, que la vérité existe !" (Marie-Christine Céruti)


L'ECRAN : Vous êtes spécialiste des Évangiles et des premiers temps de l’Église, quel a été votre parcours jusqu’à maintenant ?

Marie-Christine Céruti : Non malheureusement je ne suis spécialiste que de l'historicité des Évangiles. J'ai enseigné la théologie (particulièrement à l'Université d'État de Minsk en Biélorussie dans le département de Théologie pendant 15 ans plus ou moins), j'ai fait des conférences un peu partout en France et dans le monde, je suis maintenant la présidente de l'Association Jean Carmignac qui justement défend l'historicité des Évangiles depuis 20 ans et j'ai rédigé son bulletin depuis le début. En fait ce qui m'a poussée dans tout ce travail a été de découvrir à mon retour en France dans les années 80 et suivantes combien les Évangiles et le catéchisme, les prêches dans les églises et les "cercles" ou autres activités catholiques étaient empreints de ce qui s'appelle en fait (je ne le savais pas alors) le modernisme. Tout ce que j'avais appris dans mon enfance était faux. J'étais bouleversée et j'ai cherché... J'oubliais de dire que mon métier était d'être prof de philo... Ce qui m'avait déjà valu quelques problèmes avec les inspecteurs : je croyais, je crois toujours, qu'il existe une vérité, que la vérité existe ! 

 

L'ECRAN : Le scénario met bien en évidence les questions relatives à la transmission du témoignage du Christ après son Ascension. Certains Évangiles ne semblent pas encore rédigés et de nouvelles générations se lèvent qui n'ont pas vu le Christ de leurs propres yeux. Comment la tradition orale et écrite s'affirme-t-elle dans l'Église primitive ?

Marie-Christine Céruti : C'est justement sur ce point que nous nous battons. Les Evangiles ont été mis par écrit extrêmement tôt (ce qui n'empêche pas qu'ils aient été bien naturellement transmis parallèlement verbalement). Ils l'ont été de façon certaine avant 70, date de la destruction de Jérusalem et de la mort de beaucoup de Juifs, les survivants ayant été emmenés captifs dans tout le bassin méditerranéen, où l'on ne parlait pas l'hébreu, ni l'araméen (les deux langues des Juifs du temps de Jésus). Or les trois premiers Evangiles au moins, si ce n'est celui de Jean, sont truffés d'expressions hébraïques bien qu'ils ne nous soient parvenus qu'en grec.

  Il y a bien d'autres raisons de pouvoir affirmer que les Evangiles ont été écrits avant la destruction de Jérusalem donc avant 70, donc du vivant de beaucoup de témoins qui auraient crié à l'imposture si ils avaient raconté des mensonges ou des erreurs. Il y a d'autres raisons de savoir que les Evangiles ont été écrits du vivant de témoins. On peut en trouver aussi bien sur mon site Internet ("Dieu défendu") en vidéos, que sur celui de l'association Jean Carmignac avec la même vidéo et tous les numéros des "Nouvelles de l'Association Jean Carmignac".

  Je n'en citerai qu'une qu'on trouve sur le site de l'association dans la vidéo traduite de la conférence de Peter Williams : les Evangiles sont truffés de noms propres, de noms de petits villages, de lieux géographiques, de notes relatives à la vie quotidienne - ce qu'on ne trouve absolument pas dans les Evangiles dits "apocryphes" : ceux qui ont été écrits après la destruction de Jérusalem et la mort de tous les témoins oculaires. Or une étude statistique de tous les prénoms donnés dans le pays et à l'époque du Christ sur la base des textes juifs de l'époque, des tombes des Juifs de l'époque,  etc. dévoile que ce sont exactement les mêmes et avec les mêmes proportions qui se trouvent dans les Evangiles. Quant aux noms géographiques, aux connotations géographiques, elles sont parfaitement exactes. Qui ayant écrit après la mort de tous les témoins et leur dispersion dans le bassin méditerranéen ou l'Asie se serait "souvenu" de tout cela sans jamais se tromper ? Et il existe encore bien d'autres raisons pour lesquelles les Evangiles ne peuvent pas avoir été des récits tardifs. Voyez aussi mon livre Les Evangiles sont des Reportages n'en déplaise à certains (Téqui).

 

L'ECRAN : L'apôtre Paul a pu être considéré dans la littérature nietzschéenne comme le vrai fondateur de la religion chrétienne, et non pas le Christ. Est-ce le cas selon vous ? Pourquoi le personnage de Paul acquiert-il autant d'importance dans l'Histoire ?

Marie-Christine Céruti : Il n'y a pas que Nietzsche hélas ! Ce n'est évidemment pas le cas selon moi. Saint Paul lui-même d'ailleurs le disait et le répétait. Il acquiert de l'importance depuis que "certains" veulent nier l'historicité des Evangiles. Il est bien clair que si les Evangiles ont été inventés, il faut bien quelqu'un pour avoir lancé la légende et c'est saint Paul dont on ne sait pas s'il a connu personnellement le Christ (et de toutes façons si cela a été vrai, il ne l'a connu que de loin...!) qui a été choisi. 

 

L'ECRAN : Paul de Tarse semble avoir parcouru près de 16 000 km pour annoncer la Bonne Nouvelle, d'après le générique. Sait-on comment se sont organisés les apôtres pour évangéliser les littoraux de la Mare Nostrum (Méditerranée) sans être connectés sur Facebook ?!

Marie-Christine Céruti : Je dirais qu'ils étaient passionnés, éperdus d'amour pour le Christ et l'amour soulève les montagnes. Ils ont prêché Jésus partout où ils ont pu. Je ne crois pas qu'il y ait eu un plan de quadrillage systématique du bassin méditerranéen. Quand on avait besoin de quelqu'un quelque part on se débrouillait pour le faire venir... Il n'y a qu'à lire les Actes des apôtres pour le voir et ils parcouraient des kilomètres et des kilomètres dès le début. Il faut dire aussi que les apôtres ne se sont pas contentés du bassin méditerranéen, ils se sont tournés aussi vers l'Est : l'Asie. Saint Thomas a été jusqu'en Inde. Lire Ilaria Ramelli sur le sujet. 

  En plus pas besoin de Facebook : lisez les Actes des apôtres : quand il y avait besoin de quelqu'un quelque part Dieu lui-même intervenait en envoyant en général un ange. Ah mais ça c'est pas vrai vous dira-t-on... Que s'est-il passé avec Padre Pio pendant la guerre ? 

 

L'ECRAN : Sans vouloir lancer une querelle iconoclaste post-moderne, est-il raisonnable côté chrétien d'adapter au cinéma des textes comme les Évangiles ou les Actes des apôtres, dont s'inspire le film justement, des textes jugés sacrés par l'Eglise ?

Marie-Christine Céruti : Dans le monde où nous vivons, où le catéchisme n'existe pratiquement plus, où personne n'est plus au courant des vérités religieuses, je crois que c'est une bonne chose, surtout qu'en plus les gens ne lisent plus beaucoup. Le seul problème est de rester fidèle à la vérité et là malheureusement il y aurait beaucoup, beaucoup à faire. Quant à être iconoclastes alors il faudrait dire que toutes les statues, les médailles etc. n'étant pas conformes et de loin... ! à la réalité, il faudrait tout supprimer. Nous sommes des êtres de chair et nous avons besoin de représentations pour fixer notre attention, notre sensibilité. Ce qu'il faudrait, c'est interdire ce qui est laid. Et là il y a du tavail ! Le Jésus de Zeffirelli a converti des incroyants... mais quelle oeuvre d'art ! Il y avait pourtant des incorrections (relativement à l'Annonciation en particulier). 

 

L'ECRAN : Depuis plusieurs années, Hollywood réinvestit la Bible et produit de nombreux films pour l'illustrer à sa manière. Quels conseils donneriez-vous aux réalisateurs, français et américains notamment, souhaitant adapter de nouveaux épisodes ? 

 Marie-Christine Céruti : Ce que je viens de dire : respecter la réalité des faits et le faire de la façon la plus BELLE possible.


Informations complémentaires

Paul, Apôtre du Christ (2018)

Réalisateur : Andrew Hyatt

Acteurs : Jim Caviezel (Luke), James Faulkner (Paul), Olivier Martinez (Mauritius), Joanne Whalley (Priscilla), John Lynch (Aquila), Antonia Campbell-Hughes (Irenica), Noah Huntley (Publius), Yorgos Karamihos...

Durée : 1h 40m