Contagion

Film : Contagion (2011)

Réalisateur : Steven Soderbergh

Acteurs : Marion Cotillard (Docteur Leonora Orantes), Matt Damon (Mitch Emhoff), Laurence Fishburne (Docteur Ellis Cheever), Jude Law (Alan Krumwiede), Kate Winslet (Docteur Erin Mears), Bryan Cranston (...

Durée : 01:46:00


Un nouveau film d’épidémie, efficace et réaliste mais qui n’apporte rien de nouveau et reste très ancré dans son époque.

Le film d’épidémie virale constitue un sous-genre du film catastrophe qui fut largement illustré au cinéma. On pense notamment à Le Survivant de Francis Lawrence (1971), Le Pont de Cassandra de Georges Pan Cosmatos (1976), Alerte ! de Wolfgang Petersen (1995) et plus récemment The Crazies de Breck Eisner (2010) et Infectés d’Alex et
David Pastor (2009). Les scénarios varient peu et suivent des grandes lignes similaires : une épidémie mortelle, produite par différentes circonstances, se répand rapidement et sans remède connu, produisant un certain nombre de morts jusqu’à ce que le(s) héros trouve(nt) enfin l’antidote qui leur faisait défaut. En chemin, on suit le parcours d’un groupe de personnages principaux, généralement restreint, et des relations qui les lient. Contagion respecte ce cahier des charges avec en plus quelques élément typiques de son époque, nous y reviendrons. C’est Steven Soderbergh, déjà réalisateur de Erin Brockovich avec Julia Roberts, Trafic avec Michael Douglas et Catherine-Zeta Jones et la trilogie des Ocean avec Georges Clooney et Brad Pitt, qui s’illustre sur cette thématique. Il s’appuie sur un casting prestigieux o&
ugrave; l’on retrouve Laurence Fishburne (la trilogie Matrix des frères Wachowski, Mystic River de Clint Eastwood), Kate Winslet (Titanic de James Cameron, Quills de Philip Kaufman) et Jennifer Ehle (Possession de Neil La Bute, Le Prix de la loyauté de Gavin O’Connor) dans les rôles des médecins et professionnels de la santé tentant d’endiguer l’épidémie, Matt Damon (Will Hunting de Gus Van Sant, The Departed de Martin Scorcese) et Gwyneth Paltrow (Shakespeare in Love de John Madden, Le Talentueux Mr Ripley d’Anthony Minghella) dans celui d’un couple directement confronté aux événements, Jude Law (Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol, Artificial Intelligence de Steven Spielberg) dans celui d’un reporter indépendant très véhément et méfiant contre les
institutions (et aussi très irritant !) et Marion Cotillard (Taxi de Gérard Pirès, La Môme d’Olivier Dahan) dans celui d’une envoyée de l’OMS chargée de découvrir l’origine de l’épidémie. Tous incarnent avec conviction des personnages assez convenus qui vont être amenés à se croiser au fil de l’histoire, schéma assez classique de ce genre de film.

On le constate donc d’emblée, le film ne fait pas dans l’originalité, reprenant même l’essentiel des grandes lignes des scénarios qui l’ont précédé. Il présente néanmoins la particularité d’être fortement ancré dans son époque et de faire plusieurs références aux différents éléments du contexte sociopolitique dans lequel il évolue. Ainsi, le poids de l’
ultra-médiatisation, et notamment le rôle d’Internet, sont largement soulignés. Le personnage d’Alan Krumwiede, incarné par Jude Law, en est la meilleure illustration. Reporter free-lance qui lance des buzzs médiatiques à travers son blog, il rappelle beaucoup les révélations récentes du réseau WikiLeaks et illustre bien le problème que posent ces nouveaux médias, parfois pertinents mais aussi avec une forte tendance à la démagogie et au sensationnalisme, sans compter que le personnage est particulièrement arrogant et égocentrique, ne pensant guère qu’à faire des scoops. D’autre part, le film fait plusieurs références à différentes épidémies virales s’étant réellement produites. Si le virus du film est inspiré du Nipah, apparu en Malaisie à la fin des années 1990, le SRAS et le
H1N1 sont également cités à titre de comparaison. Enfin, les possibilités d’attaques terroristes virales, sujet encore sensible dix ans après les attentats du 11 septembre, sont évoquées par des agents de la CIA. L’ensemble de ces références ainsi que le style de mise en scène de Soderbergh contribuent à donner au film un fort réalisme qui participe à sa réussite technique.

Parmi les thématiques abordées par le film, figurent notamment le sentiment de panique et d’abandon d’une population inquiète, contrainte à rester cloîtrée dans ses maisons et rapidement en proie au manque d’autorité publique. Les pillages, la loi du plus fort, mais aussi la peur de son prochain à cause du risque de contamination deviennent le lot quotidien. A cet égard, le constat du film est assez pessimiste car l’égoïsme et l&
rsquo;opportunisme semble nettement l’emporter sur l’ensemble des autres considérations. Seul y fait exception le personnage de Leonora Orantes (Marion Cotillard), réellement altruiste et désintéressé. Autant de sentiments assez bien restitués par la caméra de Soderbergh. Les considérations familiales sont surtout incarnées par le personnage de Mitch Emhoff (Matt Damon) qui, ayant déjà perdu sa femme et son beau-fils, s’efforce de protéger sa fille, seule famille qui lui reste, quitte pour cela à la priver de toute vie sociale, ce qui ne manque pas d’engendrer quelques tensions entre eux deux. Il s’agit d’une situation d’autant plus difficile à vivre pour le personnage qu’il se sait naturellement immunisé, n’ayant donc personnellement rien à craindre du virus, mais contraint de vivre la quarantaine comme tout le monde, et qu’enfin, il a
appris que sa femme décédée lui avait été infidèle. La détresse émotionnelle des individus se mêle donc à l’angoisse de la catastrophe. Autre personnage déchiré, le docteur Ellis Cheever (Laurence Fishburne) apparaît au début comme un professionnel de la santé froid et méthodique, mais finit par se révéler très humain, éprouvant une grande angoisse pour sa femme, se reprochant amèrement la contamination d’Erin Mears (Kate Winslet), et allant au secours d’un employé de l’hôpital où il travaille et dont le fils est malade. Autant de personnages à la dérive, prenant de plein fouet les événements, mais s’efforçant de lutter, à l’image de la société dans laquelle ils vivent. Il n’y a pas vraiment de jugement moral à leur encontre, aucun n’est
particulièrement bon ou mauvais (y compris Alan Krumwiede). Seuls y font exception les personnages de pillards, anonymes montrés de loin ou masqués, comme pour souligner leur inhumanité.

Artistiquement convaincant et jouant la carte du réalisme, le film constitue donc un témoignage sociologique intéressant. Ceci étant dit, comme signalé plus haut, il n’apporte rien de nouveau au genre dans lequel il s’inscrit et n’innove guère.