Le parfum

Film : Le parfum (2005)

Réalisateur : Tom Tykwer

Acteurs : Ben Wishaw (Jean-Baptiste Grenouille), Dustin Hoffman (Guiseppe Baldini), Alan Rickman (Antoine Richis)…

Durée : 02:27:00


L’adaptation de roman au cinéma a toujours été un challenge à risques pour les réalisateurs car l’univers des mots n’est pas celui des images. L’adaptation du best-seller éponyme de l’auteur allemand Patrick Süskind, paru en 1985 n’en était que plus ardue. En effet, adapter le livre de Süskind
se heurtait à l’implacable refus de ce dernier à céder les droits d’adaptation de son roman. Ayant finalement accepté, il souhaitait que ce soit Stanley Kubrick qui s’en charge, mais le célèbre réalisateur, ainsi que d’autres, avait reconnu l’œuvre inadaptable. Belle exemple d’humilité que Tom Tykwer aurait peut-être dû suivre… Il a relevé le défi…

Le Parfum s’est principalement attaché à l’aspect sensoriel de l’histoire mettant ainsi de côté sa philosophie symbolique. C’est un choix mais il se trouve qu’il a été dur à assumer, du moins artistiquement parlant.

Le début du film par ailleurs assez cru laisse déjà s’échapper une odeur de caricature et de conformisme qui n’a rien d’exceptionnel mais qui indispose toujours. Malgré une reconstitution de Paris au XVIII° relativement bien réussie, tout le climat social qui y est reproduit, du bas peuple à l’aristocratie, est une bavure historique et une facilité scénaristique qui choque.
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Le mot « caricature » n’est pas lâché innocemment car il y a dans cette œuvre le désir de forcer les traits pour que l’horrible s’oppose clairement au beau. C’est pourquoi la représentation de la misère est très accentuée, les personnages sont tous plus odieux l’un que les autres, l’on se demande s’il peut sortir quelque chose de bon de cette déchéance. La mère de Jean-Baptiste Grenouille, horrible poissonnière sans cœur qui accouche seule en une minute dans un tas de déchets ne se doute pas que son corps peut contenir un garçon avec un don si exceptionnel. Et progressivement on passe d’un monde boueux et puant à un monde de délicatesse et de douceur.

Le but est clair, tant de mise en scène ne sert qu’à donner une consistance aux odeurs qui émanent de la pellicule. Le spectateur devrait avoir l’impression de sentir réellement, et pour ce faire, tout en continuant de grossir les traits, Tom Tykwer tente de mettre à contribution les cinq sens des
spectateurs et leur mémoire. Ainsi, le cinéaste multiplie les gros plans sur les visages, les objets, les fruits, les nez, les mains, sur tout ce qui peut être producteur de réminiscences. Les odeurs quant à elles sont transportées par des mouvements de caméra en filage pour donner l’impression de légèreté et de liberté. On sent également dans les scènes les plus sombres une essence d’expressionisme allemand qui s’accorde bien avec l’esprit général, notamment dans l’utilisation des teintes, des lumières et d’un noir remarquable. C’est donc un film éminemment sensuel où les couleurs et les lumières s’évertuent à composer une beauté plastique qui risque fort de s’effriter avec le temps.

La musique était alors un élément à ne pas négliger mais elle se fait trop lourde, trop présente et la magie qu’elle était censée opérer n’est plus qu’une note désenchantée de série télévisée.

À force de tout vouloir grossir, le film laisse l’impression non pas d’
un doux parfum dont les effluves se propagent discrètement mais plutôt d’une forte odeur agressive de flacon renversé.

De par sa nature sensuelle ou du moins sensorielle et par sa recherche de beauté plastique, Le parfum présente un contenu contestable. Qui faut-il tenir pour responsable ? Le romancier ou le cinéaste qui adapte ? S’il faut comprendre au 100° degré certaines scènes du livre, la portée symbolique des images du film est très limitée par une réalisation trop superficielle. En dehors des nus qui défilent à l’écran, l’espèce d’orgie monstrueuse imposée par la puissance érotique du parfum concocté par ce génie de l’amour est proprement ridicule et scandaleuse, sans compter tous les pauvres acteurs qui ont dû se prêter à la mascarade. Ce qui est choquant finalement, c’est surtout la tentative naïve sinon malhonnête de faire croire au spectateur que c’est beau. C’est à la fois une flatulence artistique et une insulte aux intelligences si modestes soient-elles des
spectateurs.

Plus outrageante encore est le personnage ignoble de l’évêque qui est censé représenter l’Église et qui n’est rien d’autre qu’un immonde personnage au sermon fanatique et aux raisonnements extrémistes. Quand cesserons-nous de mettre de l’obscurantisme religieux partout ? Quand écouterons-nous les historiens ?

Cependant Le Parfum est tellement faible intellectuellement qu’on est tenté d’en rire… surtout quand les villageois de Grasse dansent autour d’un condamné qui flambe joyeusement sur la place publique.

 

Jean LOSFELD