« Metropolis » fut un film très coûteux -plus de 310 jours de tournage, des décors gigantesques, 36000 figurants dont 1000 chauves, 1000 noirs et 25 chinois- et fit trembler les fondations de la toute puissante UFA (Universum Film A.G). L’accueil mitigé que lui réservera le public à sa sortie ne permit pas à cette dernière de conquérir la place qu’elle espérait face au cinéma américain. C’est que le public de l’époque était trop cinéphile pour s’en laisser imposer par un film qui n’est que spectaculaire, et s’il se ruait dans les salles pour voir « Naissance d’une nation » et « le cuirassé Potemkine », c’est qu’il reconnaissait au-delà de l’opéra visuel la de ces chefs-d’œuvre. Fritz Lang écrasé par l’ampleur des moyens dont il disposait semble avoir confondu grandiloquence et grandeur, gigantisme et noblesse. « Métropolis » est peut-être graphiquement superbe, mais cette beauté
visuelle n’est que de la poudre aux yeux. Certaines images ont le pouvoir de frapper l’imagination et de rester gravé dans la mémoire collective. Comment oublier en effet ces ouvriers, se rendant à leur travail, mus semble-t-il par une force mécanique qui leur donne un mouvement de pistons, tandis que la composition de l’image (la fuite des lignes et l’ovale brisé) accentue leur écrasement et leur enfermement. Comment oublier les décors délirants du Métropolis extérieur qui nous font naturellement associer le cinéaste à Fredersen ? Si le film de Fritz Lang peut apparaître comme étant le dernier râle d’un expressionnisme allemand déjà moribond, du moins visuellement il s’agit alors d’un dernier coup de génie. Pourtant malgré sa beauté visuelle le film de Lang nous apparaît être un feu de paille. Les multiples allusions christiques qui ponctuent le film, sans crainte du ridicule, ne sont qu’un procédé artificiel pour tenter de donner un peu de profondeur à un film qui en manque singulièrement. Légèreté du
propos, que Fritz Lang confessera lui-même plus tard, qui confine parfois à l’angélisme social et à la puérilité avec cette phrase répétée tout le long du film comme si elle avait un sens : « le lien entre le cerveau et les bras doit être le cœur ». Le plus amusant, c’est que ce sont ces mêmes défauts qui ont condamné le film à sa sortie qui aujourd’hui lui assurent un nouveau succès, d’abord auprès des auteurs de mangas et auprès de toute une génération qui trouve chic de citer un film muet, même si elle n’a jamais entendu parler de Murnau.
L’un des thèmes centraux du film nous semble être la confusion entre Eros et Thanatos d’une part, et entre le désir de pureté et de paix et la furie érotique d’autre part. Ces antagonismes sont soulignés par la dualité de Maria qui excite les contraires. Lang les rapproche de manière saisissante avec deux très beaux plans subjectifs avec travelling avant qui se répondent dans le film, le premier montre la main de Freder en amorce à droite
qui va pour se saisir d’un morceau de tissu déchiré de la robe de Maria, le second montre aussi une main en amorce à gauche, c’est celle d’un noceur qui se saisit d’un revolver, désespéré par la fausse é&Maria. Cette dernière, à force de contorsion et de lascivité finira par accomplir le seul destin qui lui était échu, être brûlée vive sur un bûcher d’une taille à faire pâlir d’envie tout le moyen âge. Là, dans les flammes, le désir rencontrera son aboutissement, c’est à dire sa fin, l’excitation des sens rencontrera sa vérité, c’est à dire la mort. Et les ouvriers resteront stupéfaits de leur erreur et de leur enthousiasme pour un faux prophète, comme plus tard le peuple allemand.
Benoît d'ANDRE
visuelle n’est que de la poudre aux yeux. Certaines images ont le pouvoir de frapper l’imagination et de rester gravé dans la mémoire collective. Comment oublier en effet ces ouvriers, se rendant à leur travail, mus semble-t-il par une force mécanique qui leur donne un mouvement de pistons, tandis que la composition de l’image (la fuite des lignes et l’ovale brisé) accentue leur écrasement et leur enfermement. Comment oublier les décors délirants du Métropolis extérieur qui nous font naturellement associer le cinéaste à Fredersen ? Si le film de Fritz Lang peut apparaître comme étant le dernier râle d’un expressionnisme allemand déjà moribond, du moins visuellement il s’agit alors d’un dernier coup de génie. Pourtant malgré sa beauté visuelle le film de Lang nous apparaît être un feu de paille. Les multiples allusions christiques qui ponctuent le film, sans crainte du ridicule, ne sont qu’un procédé artificiel pour tenter de donner un peu de profondeur à un film qui en manque singulièrement. Légèreté du
propos, que Fritz Lang confessera lui-même plus tard, qui confine parfois à l’angélisme social et à la puérilité avec cette phrase répétée tout le long du film comme si elle avait un sens : « le lien entre le cerveau et les bras doit être le cœur ». Le plus amusant, c’est que ce sont ces mêmes défauts qui ont condamné le film à sa sortie qui aujourd’hui lui assurent un nouveau succès, d’abord auprès des auteurs de mangas et auprès de toute une génération qui trouve chic de citer un film muet, même si elle n’a jamais entendu parler de Murnau.
L’un des thèmes centraux du film nous semble être la confusion entre Eros et Thanatos d’une part, et entre le désir de pureté et de paix et la furie érotique d’autre part. Ces antagonismes sont soulignés par la dualité de Maria qui excite les contraires. Lang les rapproche de manière saisissante avec deux très beaux plans subjectifs avec travelling avant qui se répondent dans le film, le premier montre la main de Freder en amorce à droite
qui va pour se saisir d’un morceau de tissu déchiré de la robe de Maria, le second montre aussi une main en amorce à gauche, c’est celle d’un noceur qui se saisit d’un revolver, désespéré par la fausse é&Maria. Cette dernière, à force de contorsion et de lascivité finira par accomplir le seul destin qui lui était échu, être brûlée vive sur un bûcher d’une taille à faire pâlir d’envie tout le moyen âge. Là, dans les flammes, le désir rencontrera son aboutissement, c’est à dire sa fin, l’excitation des sens rencontrera sa vérité, c’est à dire la mort. Et les ouvriers resteront stupéfaits de leur erreur et de leur enthousiasme pour un faux prophète, comme plus tard le peuple allemand.