Printemps, été, automne, hiver... et printemps

Film : Printemps, été, automne, hiver... et printemps (2003)

Réalisateur : Kim Ki-duk

Acteurs : Young-su (le vieux moine), Kim Ki-duk (le moine adulte), Young-Min Kim (le jeune moine), et Seo Jae-Kyung (l'enfant moine)

Durée : 01:43:00


Encore un sage et son disciple, symbole si précieux au cinéaste désireux de percer la culture orientale. Ce cliché a souvent été traité, et ce plus ou moins maladroitement. On connaît tous les films d’arts martiaux montrant un maître, déjà vieux mais encore en forme, qui tente d’enseigner toute la philosophie de son art et
tous les secrets de son expérience à son jeune disciple. Ici, il ne s’agit pas d’apprendre à se battre mais plutôt d’éduquer, en plus de son corps, son esprit et ses sens : la maîtrise et la recherche de soi, chère à la philosophie bouddhiste.

La psychologie du jeune, et pourrait on dire de la jeunesse en  générale, est donc l’objet même de ce film. C’est pourquoi le magnifique cadre, bien mis en valeur par la caméra, resta simple et les scènes se partagent deux principaux tableaux: le spectateur est tantôt transporté sur une petite île au centre d’un fleuve paisible où se trouve le temple, tantôt sur une rive (toujours la même). En outre, le nombre restreint des acteurs montre bien que ce qui compte, c’est l’évolution psychologique du disciple. Les autres personnages ne sont là que pour servir cette finalité, ils seront les causes de sa progression. En effet, l’évolution de la jeune fille n’a pas d’importance pour le scénariste, c’est pourquoi on ne la voit
pas.

On pourrait s’attendre à une étude profonde de la psychologie de l’enfant devenant adolescent puis adulte, cependant le film effleure timidement le sujet bien connu de la passion dévastatrice en en montrant les effets sans les causes. Le moment clef est sûrement lorsque le maître explique froidement à son élève que l’amour conduit à la passion et que la passion peut conduire son sujet à commettre un meurtre.
Toutefois, mis à part le manque d’effort dans l’analyse psychologique, l’on est placé tout au long du film dans un contexte serein où la nature et le sage communient harmonieusement dans une paix de l’esprit, loin des troubles du « monde extérieur ». Le maître est de fait un personnage assez plaisant, peu bavard, discret, voire oublié de temps à autre. Son calme contraste bien avec la personnalité impétueuse de son élève. La musique et les images participent également très activement à construire cette
atmosphère uniquement perturbée par l’agitation du jeune homme. La musique agréable et bien typique rime parfaitement avec les prises de vue. Elle est modeste au point que certains passages assez longs n’ont pour seule musique le chant des oiseaux et d’un ruisseau. Par ailleurs, le réalisateur a su éviter le vice que tout le monde craint: les ennuyeuses longueurs que l’on peut trouver dans ce genre de film. Même si la psychologie n’a pas vraiment été creusée, chaque scène est toujours rattaché au problème principal: l’évolution de l’enfant. Il n’y a pas de scènes superflues et on ne manquera pas de relever la fraîcheur et le comique de situation de certaines.

Le jeune disciple, à l’âge où les sens se règlent, est surpris de ce qu’il lui arrive: il aime. L’amour qu’il porte à la nouvelle pensionnaire de l’île, venue pour se refaire une santé, se détache beaucoup du simple sentiment : il est attiré physiquement par la jeune fille et ce presque dès qu’il la
voit. Cela peut paraître surprenant étant donné qu’il a vécu pendant toute sa jeunesse dans un contexte de paix, de respect de la nature et de la vie. On peut alors s’interroger sur l’efficacité des méthodes d’éducation du vieux sage qui sont censées être un exemple, ou du moins qui sont présentés comme tels. Le schéma éducatif est simple. La curiosité conduit l’enfant à la faute, la faute est sanctionnée par le maître, et le regret vient fermer le cercle. La découverte du mal par l’enfant est normal ce qui pose problème. fait sanctionner également une bonne chose regret aboutissement logique. Cependant, constater vient transcender éducation. Le mal doit évité cause conséquences engendre mais question d’un dieu qu’il faudrait offenser ou d’actes méritoires. Ainsi fait-il sentir : tout tourne l’homme, surtout vers La ainsi bon moyen se retrouver soi-même (et non pas en cœur avec un Dieu dans religion catholique). On sait méditation certains moines bouddhistes peuvent effectuer des actes hors commun, comme
rester sous l’eau plusieurs heures sans respirer, ici voit maître a pu acquérir force. Mais d’où peut-elle provenir rien n’est transcendant ? Il s’agit pouvoirs naturels acquit naturellement, si on s’en tient à absence transcendance, il moins tentant penser au satanisme, puisque surnaturel écarté hypothèse. Sur base, l’éducation ne peut être viciée étant donné que le but l’homme lui-même. Ce film témoigne assez bien cette facette du bouddhisme où charité est remplacée par « l’amour l’humanité » et la recherche de soi. De plus, quelques scènes érotiques crues ou suggestives selon les passages retire au tableau le réalisme que l’on pourrait attendre. En effet, l’attirance physique est confondue avec l’amour à tel point que la passion semble se limiter à un vulgaire besoin sexuel. C’est un peu léger pour un film qui veut décrire la passion (qui ne se réduit pas à l’appétit sexuel) et la psychologie d’un enfant. Mais, Kim Ki-Duk n’en est pas à son coup d’essai. Ses films se rapportent souvent aux problèmes
sexuels, mettant en scène des prostituées, comme dans La Samaritaine, ou L’île… En tant que protestant, Kim ne cherche pas vraiment à moraliser ces passions dévastatrices. L’acte sexuel en lui-même ne semble pas l’intéresser, mais plutôt son contexte: les dangers de l’amour, la rapprochement de la haine et de l’amour… En outre, Kim Ki-Duk étant très imprégné de la culture bouddhiste qui selon lui marque tous les coréens, pratiquant ou non, nous voyons l’amour dans ce film à travers les filtres du protestantisme et du bouddhisme. Pour le premier point de vue la morale est absente et pour le second, le tout est « de rester calme » en recherchant son bien-être afin de pouvoir aimer sans déviance. Même si le film ne s’aventure pas dans ses considérations, il découle de cette philosophie que l’objet de l’amour est faussé et que sa finalité est détournée.

Jean LOSFELD